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24/05/2015

Face à vous, nous nous tenons (de Julio C. Palencia)

 

Face à vous, nous nous tenons
 
Les rejetons
Illégitimes de la modernité
Nous autres.
 
Les fantômes de pays saignés à blanc
jour à jour enfantés à la mauvaise étoile
nous autres.
 
Ceux à qui on a fait les poches
Ceux qui n'ont jamais eu que leurs seuls ongles
Ceux dont l'espérance a été empoisonnée
nous autres.
 
Les rebuts et les misérables                                                nous autres.
 
Nous autres                     les éternels concierges
du premier monde
accoutumés au temps partiel
ou bien carrément au chômage
qui nous fardons la queue pour le welfare
tandis que les yeux des puissants
nous reprochent l'existence
derrière la vitre.
 
Les hors-la-loi                      nous autres
les toxicos et drug dealers
nous autres.
 
Ceux qui ouvertement provoquent
ceux qui ne baissent pas la tête
ceux dont la langue est sale
soûlards de très mauvaise réputation
patibulaires
sans un centime en poche                         nous autres.
 
Ceux qui en crèvent, de rejoindre le nord
de faim                           de soif                         ou sous les coups
les balles                        ou bien noyés              dans la fatigue
nous autres.
 
Ceux qui n'ont pas de mère
n'ont pas de père                 ni de patrie
ni même un domicile                            ou juste une chaise pour s'asseoir
ceux qui sont debout pour l'éternité
nous autres.
 
The little bastards
qui détruisent tout                           nous autres.
 
Ceux qui sont expulsés de toute chose                      nous autres.
 
Ceux qui n'ont aucun droit
Ceux qui sont sans famille
Ceux qui n'ont pas de tombe
Et nous sommes des cadavres vivants
nous autres.
 
Ceux qui gardent à leur cul la marque
de la botte militaire                                  locale et étrangère
incessamment qui répétait :
va fils de pute va fils              de pute
va crever fils de pute.
 
Et maintenant que tout s'effondre à la racine
ils nous veulent moines dominicains
sœurs d'une charité que nous n'avons jamais connue.
 
Nous autres             mal perçus
par les bonnes gens
nous autres proies qu'on voue au sacrifice
nous, les boucs émissaires                         nous autres.
 
Les plus faibles                     et les rachitiques,
Les dont la présence incommode.
 
Les qui ne sont jamais les invités
du grand opening de l'humanité
qui toujours restent aux portes du banquet
dévorent des yeux sans rien acheter
et tournent en rond dans les centres commerciaux
incessants comme des papillons de nuit
 
Eux, les plus insolentes                                canailles
eux, les réfugiés permanents
à qui l'on ne fait pas confiance
que l'on n'estime capables de rien
car trop coupables de leur couleur
car trop coupables de leur accent
nous autres
nous autres
nous autres
nous autres
nous autres
mille fois nous autres
 
Face à vous, nous nous tenons                                nous autres.
 
Rejetons fugitifs de notre temps
enfantés et nourris au sein
de la corruption politique et des plus-values rayonnantes
 
Nous autres
qui ne nous en tenons pas aux frontières
qui recherchons l’Eldorado toujours
Indiana Jones à la boussole défectueuse
indiquant sans hésitation la direction du nord.
 
Ceux qui baissent leur froc
Nous autres.
 
Disons-le à pleine voix :
nous avons l'âme violée par le vingtième siècle
et tous les siècles antérieurs
pouvant s'énumérer de un à cinq
 
Nous expions une faute que nous n'avons jamais commise
sous-développement spirituel terrible du premier monde.
 
Nous sommes de cette usine mondialisée
le surplus inutilisable.
Les morts de faim                                                   toujours
ceux qui remplissent les prisons
et les premières pages des journaux.
 
Nous fûmes tout d'abord la victime                                    l'assassin par la suite.
Nous sommes un souffle qui à peine se lève
et veut chanter une belle chanson inconnue.
/ Nous sommes aujourd'hui l'excrément
demain nous serons commencement
lune nouvelle                        soleil de l'aube
un point lumineux
une espérance valable
une paix qui ne soit mensonge.
 
Le jour nous touche au cœur                               soudain
 
tout s'illumine.


 

(Poème inclus dans le livre "Todos los silencios")

(Traduction de Laurent Bouisset, avec les précieux conseils de José Manuel Torres Funes et d'Alba-Marina Escalón)

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